La base de donnée participative SERAC permet aux pratiquants de sports de montagne de faire des retours d'expérience sur les accidents et les incidents en montagne. Une fois ces données traitées, on peut mieux comprendre les risques et les causes des accidents et sensibiliser plus efficacement les sportifs.
1. Point technique
Chacun peut témoigner librement de ses expériences en montagne, qu'il y ait eu un accident (une ou plusieurs blessures physiques), un incident (une chute ou une avalanche sans blessures) ou un quasi-accident (il ne s'est rien passé mais ça aurait pu !). Il faut également renseigner l'altitude, le sport pratiqué ou encore l'âge et le niveau d'expérience. Les témoignages d’incidents et de quasi-accidents sont (heureusement) plus nombreux. Ce n’est pas parce qu’il ne s’est “rien passé” que ça n’est pas important ! Au contraire, ces témoignages aident à mieux comprendre les situations lorsque les personnes ont pris “la bonne décision”, du “bon matériel” ou ont eu “un coup de chance”. Ils sont aussi plus faciles à raconter car les conséquences en ont été légères. Les chercheurs analysent ensuite tous ces témoignages et en font des statistiques.
C'est ce qu'on appelle des sciences participatives : parfois, lorsque les recherches nécessitent un grand nombre de données, les citoyens peuvent participer à ces recherches pour aider les chercheurs. Cela peut être pour fournir les données, comme les témoignages, mais aussi pour aider les chercheurs à traiter un grand nombre de données en réalisant des tâches simples comme trier des photos par exemple.
2. Recherches et découvertes
Les sports renseignés sur SERAC sont majoritairement le ski de randonnée, l’escalade, et l’alpinisme. Les contributeurs ayant laissé leur témoignages sont généralement des hommes de 26 à 35 ans, assez expérimentés, confirmés voire experts. Les avalanches, la chute d'une personne ou de la cordée et la chute de pierres ou de glace sont les événements les plus décrits dans ces témoignages. En analysant les témoignages, les chercheurs ont établi les facteurs de risque et les causes des accidents et incidents de montagne.
Le manque d’attention est un risque de ne pas voir le danger : « Je me laisse emporter par la griserie de la descente et je quitte le couloir pour aller skier une pente vierge en rive droite. (...) À la fin j’oublie toute règle de prudence tellement c’est bon de faire voler la poudre jusqu’aux oreilles et de faire sa trace dans du vierge. » (Avalanche - ensevelissement)
« Pas mal de fatigue accumulée, entre le taf, et les quelques sorties matinales de ces derniers jours... Un problème qualité découvert à 23h hier soir (jamais ouvrir ses mails pro à ces heures là !!), un lever difficile, plus de Nutella, pas le grand beau annoncé, bonnet pas retrouvé, bon, bref, c’était pas prévu que ça soit une belle et grande matinée. (...) Pas de réflexion, ni sur le risque associé à la situation dans laquelle je suis, ni sur le fait que je me suis bien éloigné du standard que je m’autorise quand je sors seul. » (Avalanche - sans blessures)
La pression du groupe ou celle que l'on s'impose mène à des choix risqués : « A. veut monter aux Vans : la neige a l’air aussi bonne par là et c’est tracé. Après quelques discussions, je finis par céder, après tout la voie normale n’est pas raide et c’est déjà bien tracé. (...) A. veut descendre par le couloir NW, je dis non, que c’est typiquement le versant où des plaques sont en train de se former, mais comme du monde est passé par là et que ça avait l’air d’être du très bon ski, je finis par céder. » (Avalanche - ensevelissement)
L'opportunité est jugée trop belle pour renoncer : « Trop motivé. Trop peu de sorties en neige-glace durant cet hiver pourri, et après un été gâché par un lumbago. Je voulais absolument en faire une avant le printemps (ce 20 mars était le 1er jour du printemps). Donc motivation “négative” (besoin dangereux de “revanche” sur le temps), car poussant à nier le danger (risque d’avalanche). » (Avalanche - ensevelissement et chute)
La présence d'autres groupes fragilise le parcours : « Je ferme la marche de notre groupe pour encorder si nécessaire un compagnon qui trouverait la pente un peu raide ou la neige trop dure sur l’arête. Derrière nous suivent les Espagnols qui ont visiblement du mal à respecter les espacements. Mais bon, doivent-ils se dire, 7 personnes sont déjà passées, ça tiendra bien pour les suivants ! » (Avalanche - ensevelissement et chute)
Les facteurs de risque bien connus se confirment (chute de pierres, défaillance d'un point de protection, erreur d'itinéraire...) : « J'étais sur une grande dalle 5 mètres au-dessus de la vire environ. La dalle s'est mise à bouger, je suis parti sur le côté gauche instinctivement pour m'échapper (confirmé par mon compagnon de cordé). J'ai dû faire quasiment 2 mètres, mais la dalle s'est effondrée sur 4 à 5 mètres de large et sans doute 2 à 3 mètres de haut. Ensuite j'ai rebondi dans les rochers. Mon partenaire dit que la dalle s'est retournée et fracassée sur la vire avec moi dessus. » (Chute de pierre - chute encordé)
3. Et demain ?
Cette méthodologie scientifique d’analyse de témoignage est en train de faire ses preuves. Elle pourra être utilisée dans le cadre d’autres pratiques dites “à risque”, comme par exemple les activités sportives aquatiques. C’est aussi le cas du vélo en ville ! Nous avons tous vécu au moins une fois un incident en utilisant ce moyen de transport urbain : on a “failli” rentrer dans une portière, dans une voiture, dans un autre vélo… Ce type d’incident reste généralement sans conséquences, mais en témoigner sur une base de donnée permettrait, comme pour les sports de montagne, d’éviter les accidents !